Cynthia KA chasseuse de perturbateurs endocriniens et actrice de la prévention du cancer

Bonjour Cynthia, nous sommes ravies de pouvoir échanger avec vous aujourd’hui. Nous sommes très inspirées par toutes les thématiques que vous partagez sur les réseaux sociaux.

Vous êtes une survivante du cancer du sein et vous avez subi un long et pénible chemin entre opérations, traitements et reconstruction. Pourriez-vous nous expliquer votre histoire ? 

Bonjour, merci beaucoup à vous de me donner l’opportunité de partager avec vous et de raconter mon histoire autour du cancer du sein. Je m’appelle Cynthia, j’ai aujourd’hui 37 ans, et j’ai été diagnostiqué d’un cancer hormono dépendant HER2 positif à l’âge de 31 ans. J’ai subi à la suite de ça un parcours de soins assez long qui a d’abord débuté par une mastectomie et une reconstruction dans la même opération avec un implant mammaire. Tout cela à été suivi d’une conservation des ovocytes. J’ai par la suite commencé en janvier 2017 un cycle de douze chimios au taxotère puis au taxol. Après les chimios, j’ai eu 33 sessions de radiothérapie. Puis ma prothèse a été rejetée, ce qui m’a valu une opération en urgence pour enlever ma prothèse. J’ai donc été à plat pendant un an et demi. D’abord suivie à l’Institut Curie, je suis partie dans le privé pour faire une reconstruction par lambeaux de cuisse qui a commencé en janvier 2019 et a fini en novembre 2021. Je me suis fait enlever le cathéter en août 2022. Pratiquement six ans de parcours de soins, ça a été un long parcours.

Vous avez découvert votre cancer vous-même en vous autopalpant et c’est vous-même qui avez poussé votre gynécologue à approfondir les recherches. Comment avez-vous réagi à la situation ? Avez-vous réussi à garder votre sang-froid, étiez-vous bien entourée ?

Quand j’ai découvert mon cancer en m’autopalpant j’ai été assez calme. C’était le week-end du 15 août. J’étais en vacances à Lille avec ma sœur, ma nièce et mon neveu à l’époque. J’ai décidé de moi-même d'aller directement chez le gynéco. J’y suis allée dès mardi et j’ai toujours gardé mon calme. J’en ai parlé à deux amis. J’étais toujours très bien entourée, que ce soit à ce moment-là ou au moment de mon diagnostic. J’ai continué à travailler, je suis même partie à Dubaï parce que j’avais des entretiens d’embauche à ce moment-là. À cette époque, j’étais responsable événementielle dans la mode, j’avais de gros événements qui arrivaient. 

Malgré tout, j'ai toujours gardé mon sang-froid, même quand j’ai reçu mon diagnostic. En réalité, j’ai reçu un premier diagnostic qui m'annonçait que tout était négatif et que “je n’avais pas de souci à me faire”. Le lendemain par mail j’ai reçu “ Ah non, on s’est trompés, on n’avait pas ouvert tous nos courriers, c’est positif.” C’est donc comme ça qu’on m’a annoncé mon cancer :  par email. 

Il était 14h quand j’ai appris la nouvelle, et j’étais en plein évènement. J’ai gardé mon sang froid et j’ai continué cet évènement pendant presque 10h. Je suis rentrée chez moi à 23h, et pendant presque 10h, j’avais gardé cette nouvelle que pour moi. 

Vous dites dans une de vos vidéos que vous vous auto palpez depuis que vous avez l’âge de 15 ans, comment avez-vous été sensibilisée si jeune ?

Alors en effet, j’ai été sensibilisé très jeune à l’autopalpation, mais plutôt à la réalité du cancer du sein. Parce que la meilleure amie de ma mère est décédée d’un cancer du sein. Nous n’avions pas du tout de lien de parenté, mais on était très proches et c’était la femme de mon oncle. 

C’était fin des années 90 début des années 2000 et c’était très choquant pour une jeune fille de quinze ans de voire sa tante  se perdre dans son cancer et la voir mourir. Ça a été pour elle, une perte totale de féminité. Ça m’a beaucoup marquée, et c’est ce qui m’a poussé à toujours m’autopalper : pas chercher quelque chose, mais en tout cas apprendre à connaître mes seins pour cette raison. S’il y avait quelque chose d’anormal, il fallait que je le sache tout de suite.

Le 15 août 2016, c’est ce qui s’est passé quand j’ai senti cette boule. Ce n’était même pas une boule, c'était plutôt une masse au niveau de l’aisselle droite qui allait jusqu’au téton. Je savais que ce n’était pas censé être là et c’est cette autopalpation qui m’a sauvé la vie. 

Où avez-vous puisé la force pour lutter contre ce cancer que vous avez vaincu ? 

J’ai puisé la force vers ma famille, mes amis, mon entourage qui ont tous été là pour moi, tous les jours. C’est-à-dire que ce n’était même pas une négociation. 

J’habitais seule à l’époque, j’habitais rue Mouffetard, dans le cinquième, dans un petit appartement qui était à cinq minutes à pied de l’Institut Curie. J’étais très contente de pouvoir aller à tous mes rendez-vous toute seule et de n’embêter personne. Sauf que, manque de bol, j’avais tout le temps (ou beaucoup de chance) tout le temps, quelqu’un qui était chez moi. Que ce soit en termes de soutien moral, de soutien physique, pour faire le ménage, pour faire la vaisselle, pour m’apporter à manger, pour me donner mes médicaments, pour venir marcher avec moi, pour simplement s’asseoir à côté de moi et sans forcément rien dire pour ma chimio, pour m’amener à chacun des rendez-vous que j’ai fait… Au point où c’est devenu trop et que j’ai annoncé à mon entourage qu’il fallait que je me retrouve seule. 

Vous avez subi une mastectomie et plusieurs autres opérations, et  vous expliquez que vous avez plus d’une dizaine de cicatrices sur le corps. Vous en avez une de plus de 10 cm sur votre cuisse, car un bout de cette dernière a été utilisé pour la reconstruction de votre sein. Comment avez-vous fait pour accepter tous ces changements sur votre corps ?  

Alors oui, aujourd’hui, j’ai plus d’une dizaine de cicatrices sur mon corps suite à toutes ces reconstructions et toutes ces opérations chirurgicales. Que ce soit la reconstruction ou les petites interventions comme le cathéter, je pense toujours que ma plus grosse cicatrice est mentale et pas physique. Mais en ce qui concerne la cicatrice de la cuisse, ce n’est pas forcément une cicatrice qui a été difficile à accepter puisque c’est moi qui ai fait ce choix. 

On m’avait suggéré de me faire reconstruire par le lambeau de dos, donc j’aurais dû avoir une cicatrice dans le dos. Je pense que j’aurais même moins bien accepté une petite cicatrice dans mon dos qu’une grosse cicatrice sur ma cuisse. Ce ne sont pas forcément les cicatrices qui ont été douloureuses mais la douleur physique.

Désormais, ce corps je l’ai accepté, mais la douleur qui arrive avec chaque opération, c’était ce qui était plus difficile à accepter.  Le fait d’être également d’être « handicapé » pendant un certain temps et de devoir compter sur les gens pour faire des choses pour soi. Ça a été le plus difficile pour moi à accepter. 

Maintenant, les changements de mon corps sont comme ils sont. L’autre jour, je me regardais et je me suis dis que j'aimais bien cette nouvelle poitrine. Même si ça aurait pu être mieux, ce ne serait jamais la poitrine originale. Mais je ne me plains pas. Les cicatrices, on apprend à vivre avec et en réalité elles ne sont pas douloureuses.

Pour ajouter sur le cheminement du corps aussi, j’ai fait beaucoup de travail sur moi-même qui a été soutenu par la découverte du yoga et les massages. Le fait de pouvoir me mouvoir et de pouvoir retoucher mon corps petit à petit m’a beaucoup aidé. Que ce soit du mouvement, des massages, me regarder nue, découvrir des mantras qui pouvaient m’aider et m’accompagner tous les jours, m’ont permis d’accepter ce nouveau corps. 

En réalité ce n’est pas vraiment accepter un nouveau corps, c’est apprendre à vivre avec ces limitations. Il y a des choses aujourd’hui où je ressens parfois de la douleur, mais elle fait désormais partie de moi et je pense que je l’ai appris grâce au yoga. C’est le message que j’ai envie d’envoyer aussi aux personnes qui traversent ça aujourd’hui. Ça n’a pas besoin d’être le yoga, c’est savoir prendre le temps de me découvrir à nouveau, de me réapproprier ce nouveau corps, de m’approprier ce corps sans jugement, avec la compréhension que c’est une évolution qui fait aujourd’hui partie de moi. C’est ce que j’essaye de transmettre aujourd’hui aussi dans mes pratiques de tous les jours.

Dernière chose, quel message pourriez-vous faire passer à toutes ces jeunes femmes pour les sensibiliser à la prévention du cancer du sein ?


Alors à toutes les jeunes femmes pour se sensibiliser à la prévention du cancer du sein j'ai envie de dire une chose primordiale : auto palper-vous. Pour moi, c’est le premier geste. C’est un geste qui devrait être appris à l’école. Mais la prévention de l’autopalpation à travers l’autopalpation, pour moi, est indispensable. Que ça se passe de génération en génération. Ma nièce de six ans, maintenant, connaît le mot autopalpation et j’en suis très fière parce que ça fait partie de nous de le faire vraiment tous les mois. S’il y a de l’anxiété, que s’il y a des douleurs, de ne pas hésiter à prendre un rendez vous avec un docteur, une sage-femme,  ou encore son généraliste. Au-delà de son gynécologue, qui pourra aussi aider, il y a énormément de ressources. Il faut le faire jusqu’à la fin de sa vie et si ça peut rassurer certains, je continue à le faire toujours aujourd’hui. Sachez que 80 % des masses qu’on trouve dans les soins ne sont pas cancéreuses.

Donc il faut juste apprendre à se connaître, à connaître ses seins. La prévention sauve des vies. La prévention m’a sauvé la vie. Elle a sauvé la vie de plusieurs personnes qui me suivent aujourd’hui, qui ne savaient pas s’autopalper avant de me suivre sur les réseaux et qui ont pris ces étapes, qui les ont réalisées pour se connaître elles-mêmes et, apprendre à mieux reconnaître quels seraient les signes et les symptômes. Donc, autopalpez-vous ! 

Nous vous remercions pour toutes vos réponses, et pour toute cette transparence, cette sincérité, ce partage autour de cette prévention qui sont des vrais éléments clés pour avancer. Vous permettez une libération de la parole sur ces sujets qui sont encore trop souvent tus. Merci ! 

Prenez-soin de vous !

XOXO Keep A Breast 






Isis Benchellal